Le législateur fédéral allemand a décrété vendredi dernier (13 mars 2020) des mesures facilitant le recours à l'activité partielle (aussi appelé chômage partiel ou chômage technique). Le fondement juridique de ces mesures se trouve dans le Code de la sécurité sociale allemand. Ce dispositif permet à l'employeur qui se voit confronté à une baisse substantielle et inévitable d’activité en raison de la propagation du coronavirus, de réduire ou même de suspendre complètement, de façon temporaire, le travail de ses salariés tout en leur assurant le maintien d'une rémunération. Il vise à éviter les licenciements économiques et permettre à l'employeur de relancer son activité avec ses salariés lorsque la crise sera surmontée. Le recours à l'activité partielle peut prendre la forme d’une diminution de la durée hebdomadaire du travail ou d’une fermeture temporaire de tout ou partie de l'établissement.
Si un salarié est suspecté d’avoir contracté le virus et est mis en quarantaine par décision d’une autorité sanitaire, il devient incapable d'effectuer sa prestation de travail à cause de la mise en quarantaine et non à cause d'une maladie. Il garde le droit à sa rémunération pendant six semaines et l'employeur peut demander à l'État le remboursement de la rémunération, à demander dans un délai de trois mois auprès de l’autorité sanitaire. Une règle comparable s’appliquera aux salariés qui ne peuvent plus travailler parce qu’ils doivent garder leurs enfants suite à la fermeture des écoles. Ce ne sont pas des cas d'activité partielle.
Si un employeur doit temporairement fermer un établissement, même si cela résulte d'une instruction administrative, les salariés conservent par principe leur droit à rémunération, en tout cas pendant une certaine période (environ 6 semaines), une telle mesure étant considérée, en tout cas par le ministère fédéral du travail allemand, faire partie de la sphère de l'employeur qui en supporte le risque économique (cet avis n'est pas totalement incontesté). Dans un tel cas, et de façon générale dans le cas où l'employeur n'a pas suffisamment de travail pour ses salariés à cause de la propagation du coronavirus, il peut réduire sa charge salariale par le recours à l'activité partielle.
La question de savoir si l'employeur peut introduire l’activité partielle dépend de sa situation individuelle ; est-ce qu'une convention collective ou une convention d'établissement ou sinon le contrat de travail ou un accord spécifique conclu avec chacun des salariés prévoit la possibilité et les modalités pour réduire le temps de travail et la rémunération ? S’il existe dans l'entreprise un comité d'entreprise («Betriebsrat »), l'introduction de l’activité partielle nécessite son accord ; en revanche, dans ce cas l’accord de chaque salarié ne sera pas nécessaire. Le principe du droit du travail allemand est que sans un tel accord (collectif ou individuel) l'employeur ne peut pas recourir à l'activité partielle ! Normalement, le respect d’un délai de prévenance (d’une à deux semaines) est requis. Lorsque l’employeur soumet sa demande d'activité partielle, il doit informer l'agence pour l'emploi de la date de l’information des salariés et si le salarié a donné son accord, et sous quelle forme. L’information du salarié peut se faire par courriel.
Nous conseillons à l'employeur de vérifier l'existence d'éventuels accords sur l'introduction d’une activité partielle ; la situation la plus simple est celle dans laquelle le contrat de travail prévoit une disposition permettant à l'employeur de prendre une telle mesure et dans quelles conditions (par exemple garantie du maintien d'un certain pourcentage du salaire net) ; dans ce cas le salarié a donné son accord préalable à l’introduction de l'activité partielle.
Pendant la période de l'activité partielle, l'employeur continue de verser une rémunération à ses salariés ; de son côté, il perçoit une allocation mensuelle de l'agence pour l'emploi (« Agentur für Arbeit »).
1ère démarche : la notification d'activité partielle
C'est l'employeur qui fait la notification d'activité partielle auprès de l'agence pour l'emploi territorialement compétente. Elle doit parvenir à l’agence pour l’emploi au plus tard le dernier jour du mois pendant lequel l’employeur recourt à l’activité partielle. Comme les agences pour l'emploi sont actuellement débordées, la demande se fait de préférence en ligne. Toutefois, les formulaires se trouvent aussi sur le site internet de l’agence pour l’emploi et peuvent être adressés (après leur signature !) par télécopie ou par courriel (PDF scanné) à l’agence pour l’emploi. C'est la personne qui s'occupe habituellement de la comptabilité paye, soit en interne, soit en externe (le « Steuerberater », expert-comptable) qui se charge normalement de cette démarche. Les logiciels de comptabilité paie allemands usuels ont des interfaces électroniques avec les serveurs de l'agence pour l'emploi.
Les conditions pour être éligible à l'activité partielle ont été assouplies depuis vendredi 13 mars 2020. Il suffit désormais qu'au moins 10 % des salariés dans l’établissement soient concernés par une baisse d'au moins 10 % de leur activité et de leur rémunération mensuelle brute, en lien avec la propagation du coronavirus. La condition est remplie lorsque la fermeture temporaire de l'entreprise intervient sur instruction administrative pour endiguer l'épidémie, mais également si les chaînes d'approvisionnement de l'employeur sont interrompues ou si la demande de la part des clients a chuté.
Employeur et salariés ont par principe une obligation de limiter dans la mesure du possible le dommage, par exemple en utilisant, lorsqu'ils existent et dans la mesure où ceci est juridiquement possible, les accords en matière de comptes épargne-temps (flexibilisation du temps de travail annuel etc.), les possibilités de récupération des heures supplémentaires prestées et d’octroi de congés payés, etc. Depuis le récent changement du Code de la sécurité sociale, l'agence pour l'emploi n'exige plus que l'employeur impute le solde négatif des heures de travail sur le compte épargne-temps. Il n'est pas exigé de modifier des accords de temps de travail flexible avant de recourir à l'activité partielle.
Dans l'hypothèse où des salariés disposeraient encore d'un solde de congés payés au titre de l'année 2019, qu'ils peuvent ou doivent (selon dispositions conventionnelles ou contractuelles) encore prendre sur le premier trimestre 2020, l'employeur doit attirer l'attention des salariés concernés qu'ils sont tenus de prendre ces congés avant le 31 mars 2020 sinon ils seront (sauf accord contraire) forclos. En effet, selon la jurisprudence récente, l'employeur est tenu d'informer les salariés concernés – si nécessaire de façon formelle – sur cette conséquence. Le risque pourrait être que les salariés qui n'auraient pas été informés de la forclusion, demandent à prendre ces congés une fois finie la période d’activité partielle. Notre conseil est d'octroyer maintenant tout éventuel solde de congé payé au titre de 2019, si vous ne l'avez pas déjà fait.
Un octroi de congé payé unilatéral par l'employeur pour éviter l'activité partielle n'est pas possible. De même, des congés payés déjà accordés ne peuvent pas être annulés ou modifiés sans l'accord des salariés, ou le cas échéant du comité d'entreprise. Nous vous conseillons de chercher le dialogue avec les salariés concernés pour les convaincre de prendre une partie de leur congé 2020 maintenant. C'est peut-être possible quand il s'agit de parents qui doivent s'occuper de leurs enfants à la suite de la fermeture des écoles allemandes.
Tous les salariés de l'entreprise sont éligibles à l’allocation d’activité partielle, y compris les salariés intérimaires (démarches à faire par leur employeur respectif). Les salariés en arrêt maladie sont éligibles pendant la période de maintien de leur salaire (maximum 6 semaines). Sont en principe exclus les salariés se trouvant en période de préavis dont le contrat de travail a été résilié (licenciement, démission, départ négocié). Les salariés à temps très partiels (« mini job ») et les retraités qui continuent à travailler sont également exclus.
L'agence pour l'emploi vérifie la demande et délivre un avis (« Bescheid ») ; si elle estime au vu des éléments déclarés que les conditions sont remplies, elle délivre un avis positif provisoire qui permet à l'employeur de solliciter ensuite l’allocation d’activité partielle. La procédure est très rapide.
2e démarche : la demande d'allocation mensuelle
Une fois obtenu l'accord provisoire de l'agence pour l'emploi, l'employeur doit solliciter le versement de l'allocation. Chaque mois, la demande doit être faite- de préférence en ligne -au plus tard trois mois à compter de la fin du mois au titre duquel l’allocation est demandée. Le montant de l’allocation peut être différent chaque mois, en fonction de la réduction du temps de travail pendant le mois donné. La durée maximale de versement de l'allocation est actuellement de 12 mois.
Le montant de l'allocation d’activité partielle équivaut en principe à celui versé en cas de chômage. La base de calcul pour l'allocation d’activité partielle est la différence entre, d'une part, le montant net forfaitisé résultant du salaire brut que le salarié aurait perçu pendant le mois considéré sans la réduction de travail, et d'autre part, le montant net forfaitisé résultant du salaire brut effectivement reçu. L'allocation s'élève à 60 % de cette différence nette ; pour les salariés ayant au moins un enfant à charge, l'allocation s'élève à 67 % de la différence. C’est l'employeur qui perçoit cette allocation ; il est tenu de la verser au salarié, et elle viendra en réduction de la rémunération nette due au salarié.
L’allocation d’activité partielle ne constitue pas pour le salarié un revenu imposable, mais elle est susceptible d'impacter la progressivité de l'impôt (taux effectif), si le salarié à d’autres revenus.
Pendant toute la durée de l’activité partielle, le salarié reste affilié aux caisses de sécurité sociale. Jusqu'à présent, les cotisations sociales afférentes à l'allocation d’activité partielle étaient supportées par l'employeur seul. Toutefois, en vertu des nouvelles mesures pour venir en aide aux entreprises, il est prévu que l'employeur sera remboursé en totalité des cotisations sociales sur l'allocation d’activité partielle.
L'employeur doit préfinancer la charge salariale ; il perçoit le paiement de l’allocation d’activité partielle en principe le mois suivant.
Le gouvernement a prévu d'autres mesures d'aide aux entreprises pour surmonter la crise induite par le coronavirus, notamment des mesures fiscales (par exemple réduction des acomptes trimestriels sur l’impôt sur les sociétés). De plus, le Code de l'insolvabilité sera modifié pour assouplir pour les entreprises rencontrant des difficultés financières en raison des effets du coronavirus, au moins jusqu’au 30 septembre 2020, l’obligation de déposer une demande d’insolvabilité (dépôt de bilan) dans les 3 semaines suivant la constatation du surendettement ou de la cessation de paiement.